L’allégorie du manège
Carnet de voyage d’une québécoise dans l’aéroport de Bâle direction Berlin
Attention, les expressions québécoises peuvent peut-être vous sembler légèrement décalées…
La technologie me fait défaut. Mon ordinateur portable m’a lâché, de toute façon c’est un clavier anglais, pas pratique pour les accents. J’ai oublié ma caméra chez des amis sur une table à manger. De toute façon avec ses deux méga-pixels interpolés c’est déjà considéré comme du matos archaïque. On me recommande fortement une caméra plus sophistiquée… mais de toutes façons je n’ai pas les moyens de m’en payer une nouvelle. Mes batteries rechargeables sont à plat, mon rechargeur de batterie canadien ne fonctionne pas dans les prises de courant françaises. Il me faut un adaptateur. De toute façon je n’ai pas accès facilement a des prises de courant, je voyage constamment de lieux publics en lieux publics. Tout ces appareils ça commence à faire beaucoup de lourdeur dans mon sac à dos pour profiter de mon voyage, pour profiter vivement du moment présent. De toute façon rien est fonctionnel pour le moment. Je n’ai que du papier, fidèle ami toujours à ma porté et mon crayon de plomb que je taille patiemment pour écrire mes pensées, mes impressions dans mon carnet de voyage. Je suis quatre heures en avance. Nouvelle devise de 2010: éviter les retards. J’ai donc 4 heures à attendre dans l’aéroport de Bâle avant de m’envoler dans un superbe engin EasyJet destination Berlin. Nous sommes tous rivés sur les écrans, la tête bien haute, le regard confiant à attendre l’horaire et le numéro de vol qui nous mènera à notre destination. C’est le temps des fêtes, on est le 3 janvier 2010. On annonce qu’il y a quatre heures de retard sur mon vol vu les conditions météorologique. J’ai donc beaucoup de temps devant moi… Je m’assois bien confortablement, avec des bonbons à déguster sur un banc qui se faufile dans une lignée de banc vissés au plancher. J’observe les passants. Je tente de plonger ma concentration dans un livre, mais une famille attire mon attention. Ils sont trois: Un homme, une femme, un enfant aux bras. Ils se dirigent vers moi. Je suis étonnée de les voir si rayonnant. Il y a quelque chose qui émane d’eux qui m’échappe. Je me demande si je les connais, ils ont l’air de me regarder comme si j’étais une amie de longue date qu’on retrouve après un trop long voyage. Ils avancent vers moi. On dirait qu’ils flottent. L’enfant regarde dans ma direction comme s’il voyait le nouveau messie. Fascinée, je leur réponds de mon plus beau sourire. Ils passent devant moi continuant leur trajectoire comme hypnotisés. Ils posent l’enfant, sortent un peu de monnaie de leur poche, déposent leur sous qui résonnent dans une petite boîte métallique. Ils s’assurent que l’enfant est bien en sécurité, bien installé, appuient sur le petit bouton vert. Le petit manège se met a vibrer. A ma gauche un petit wagon de couleurs vives vibre sur place, faisant vivre une simulation de grand voyage sur les rails dans un air aéro-portuaire. C’est le bonheur. L’enfant est heureux et les parents inscrivent une satisfaction devant cette image qui vibre devant eux.12 secondes et quart plus tard, ils semblent tous trouver le temps long. Le regard de l’enfant s’incline sur le sol bien ciré, il soupire d’ennui sur son wagon qui fait du sur place. Le manège continue ses vibrations stationnaires. L’enfant regarde ses parents qui regardent ailleurs, il n’a qu’un seul désir: retourner dans les bras de sa mère. Le manège s’arrête brusquement. Le métal grince un peu. Les parents reprennent leur petit, ils semblent déjà partis à la quête d’un prochain manège.
Mira-Claire Lepage