L’homme et la technologie moderne
De la nature à la sous-nature
« […] La grande majorité de ce qui agit aujourd’hui dans la culture à travers la technique, et dans quoi l’être humain est au plus haut degré entremêlé avec sa vie, ce n’est pas de la nature, mais de la sous-nature. C’est un monde qui s’émancipe de la nature vers le bas.
On voit comment l’oriental, quand il aspire à l’esprit, cherche à échapper aux états d’équilibre qui proviennent uniquement de l’élément terrestre. Il prend une posture de méditation qui le transporte dans un équilibre purement cosmique. La Terre n’agit alors plus sur l’orientation de son organisme. (Ceci n’est pas dit en vue d’une imitation, mais seulement pour expliciter ce qui est exposé ici. Qui connait mes écrits sait combien les vies spirituelles orientale et occidentale diffèrent en ce sens.)
L’être humain avait besoin de la relation avec l’élément purement terrestre pour le développement de son âme de conscience. C’est là qu’apparut alors la tendance, tout récemment, de réaliser cela partout aussi dans la pratique, ce à quoi l’être humain doit s’accoutumer. En s’accoutumant à l’élément purement terrestre, il rencontre l’élément ahrimanien. Il doit se placer, avec son être propre, dans le juste rapport avec cet élément ahrimanien.
Cependant, au cours de l’époque technique jusqu’à aujourd’hui, l’être humain est encore privé de la possibilité de trouver le juste rapport aussi face à la culture ahrimanienne. L’homme doit trouver la puissance, la force intérieure de connaissance pour ne pas être dominé par Ahriman dans la culture technique. La sous-nature doit être comprise en tant que telle. Elle ne peut l’être que si l’être humain, dans la connaissance spirituelle, s’élève au moins aussi loin dans la sur-nature extraterrestre qu’il est descendu dans la sous-nature par la technique. L’époque a besoin d’une connaissance menant au-dessus de la nature, car il faudra intérieurement s’en sortir avec un contenu de vie, tombé au dessous de la nature, dont l’action est dangereuse. Nous ne voulons naturellement pas dire ici qu’il faut retourner de nouveau à des états de culture antérieurs, mais que l’être humain doit trouver le chemin pour mettre les nouvelles circonstances culturelles dans un rapport juste à lui-même et au cosmos.
Très peu encore ressentent quelles importantes tâches spirituelles se forment ici pour les hommes. L’électricité, qui a été vantée comme l’âme de l’existence naturelle quand elle fut découverte, doit être reconnue dans sa force, qui est de conduire de la nature à la sous-nature. L’être humain ne doit pas être entraîné dans cette descente.
A l’époque où il n’y avait pas encore de technique qui soit indépendante de la nature proprement dite, c’est dans la contemplation de la nature que l’être humain trouvait l’esprit. Se rendant indépendante, la technique a fait se fixer l’attention de l’être humain sur l’élément mécanique-matériel devenant alors pour lui l’élément scientifique. En elle, tout le spirituel-divin qui est en lien avec l’origine du développement de l’humanité est absent. L’élément purement ahrimanien domine cette sphère.
C’est dans une science de l’esprit que l’autre sphère est en train d’être créée, en laquelle un élément ahrimanien n’est absolument pas présent. Et c’est justement par l’activité de connaissance qui accueille cette spiritualité à laquelle les puissances ahrimaniennes n’ont aucun accès, que l’être humain trouvera la force pour faire face à Ahriman dans le monde. »
Les lignes directrices de l’anthroposophie (GA 26)
Rudolf Steiner, Mars 1925
traduction : L. Defèche